Comment avais-je pu ? Comment pouvais-je encore me regarder dans une glace ? Mes nuits prenaient toutes des teintes rouges… Le sang coulant entre mes doigts, ma main retenant ses cheveux, gardant plus que de nécessaire son corps froid contre le mien. Je me rappelle d’entendre la respiration irrégulière qui sort de mes poumons… Je l’avais tué et elle revenait me hanter. Ou était-ce moi qui me hantais ? Je ne sais plus… Ma maison était ravagée, j’y avais tout fracassé. Tout sauf la seule chose qui comptait encore pour moi. Un peigne en ivoire. Une simple petite chose qu’elle avait dans les cheveux. Elle avait réussi à le cacher avant de me la donner lorsqu’elle me fit entièrement confiance. Diantre ! Elle n’aurait jamais dû ! Je l’ai trahi… Non c’est LUI ! Il m’a trahit ! Et s’il était simple de l’approcher, mon épée se trouverai au travers de son cœur !

Je la vengerai, il le fallait ! Mais comment ? Mon esprit était encore embrumé de douleur, d’alcool. Les effluves du nectar aviné me montaient au cerveau. Comment avais-je pu être si bête… Et puis dans un délire alcoolisé j’ai su. Il fallait que je meure. Oh pas littéralement, pas avant de l’avoir tué LUI. Mais il fallait que je disparaisse. Et la seule manière pour qu’on me laisse en paix, c’était simuler ma mort. Je suis un homme de la garde, jamais il ne me laisserai déserter. Je sais bien trop de choses… Alors je l’ai fait, à la vue de tous. Il me fallait des témoins. J’ai sauté dans les rapides et mon corps à disparu très vite. Tout le monde sait que l’on ne réchappe pas à la rivière. Surtout à cet endroit. Pourtant moi je sais très bien qu’il y a un endroit à atteindre pour s’en sortir sain et sauf. Je pouvais rater je le sais mais pourtant la volonté de me venger me donna des ailes. J’ai réussi à sortir de l’eau. Le problème était où aller ? Où me cacher le temps de fomenter ma vengeance ?

Alors que je me réchauffais autour d’un petit feu de camp, une idée germa dans ma tête. Et si au lieu de totalement disparaître je revenais sous le nom d’un autre ? Il me suffirai de modifier mon physique. Me laisser pousser les cheveux par exemple, raser ma barbe aussi… Je souris de satisfaction. Je ne partirai pas loin non. Il me faudra être patient mais je pouvais réussir. A ce moment précis je sentis dans ma poche le petit peigne de ma bien-aimée. Je savais que pour elle je saurai fort…

Dès le lendemain je pris route pour Valbrume. Seul endroit où je pouvais reconstruire mon personnage. De plus il y avait le port où je pourrais travailler et trouver un gîte. Et là je pourrais tout surveiller. Oui décidément la capitale du commercer sera ma nouvelle ville. JE travaillerai le jour mais le soir je serais l’ombre qui observe, l’ombre qui cherche puis l’ombre qui fera couler le sang… Mais lorsque j’arriva à Valbrume, les choses furent un peu plus difficiles. Il me fallait un nom, on ne cessait de me le demander. Sous les regards suspicieux il fallait que je trouve vite. Il surgit dans mon esprit sans que je m’en rende compte. Le prénom de mon père, le nom de ma mère …

_ Gabriel Campy, pêcheur en quête d’un nouvel emploi…

On m’indiqua le port. Rapidement je le trouva mais beaucoup refusèrent l’aide d’un étranger. J’avais encore la tête d’un paliontos à coup sûr. Il fallait que je change ça, il me fallait mon chez moi, un endroit où me terrer. Au loin je vis une patrouille Paliontos. C’était le jour où le roi envoyait ses hommes chercher des victuailles. J’avais oublié. Il fallait aussi que je jongle avec eux… Me faufilant entre les badauds je sentais ma volonté faillir légèrement. Et si j’échouais ?

La tête baissée, je ne l’ai pas vu. Je percutai un grand type de plein fouet.

_ Désolé, marmonais-je, Vous allez bien ?

La patrouille n’était pas loin et tout ce que je trouvais à faire, c’était de percuter un homme et par là même me ralentir. Si les Paliontos arrivaient à ma hauteur, à coup sûrs ils me reconnaîtront. MA tête était connue de tous. Même si certains me pensaient mort, je suis sûr que la supercherie avait été découverte par d’autres. Et entre autre le roi. Il était certes d’un aspect chétif, mais son cerveau lui était loin d’être faible. Il fallait à tout prix que je trouve refuge quelque part. Et cet homme au travers de mon chemin m’amène vers une mort certaine sans en avoir conscience. Au fond de moi je grogne. Mais ça c’est une réaction typique des Paliontos. Je dois savoir m’en défaire. Même si je suis sûr que cela pourrait se révéler utile en temps indiqués…  

"Il y a pas de mal, je ne regardais pas devant moi. Tout vas bien ?"

Je relevais la tête aux mots de l’homme. Tant pis s’il me reconnaissait. Ou s’il se rendait compte de qui je pourrais être. Quelque chose dans son ton m’avait interpellé. Pas sa bienveillance, non. Autre chose de plus profond, de plus… éteint. Ce ton je le connaissais. C’était le mien alors que je venais de perdre ma vie. On dit que certaines personnes sont destinées à se rencontrer, que certaines choses rapprochent les gens. Et peut-être que… Mais je n’avais pas le temps à perdre en réflexions. Il fallait que je m’éloigne, et vite. J’avais était repéré. LA patrouille c’était arrêtée et à présent on fixait sur moi des regards appuyés. A mon tour je regardais les alentours. Je ne connaissais pas bien cette partie de la ville. Je ne savais pas où aller pour les semer et me terrer jusqu’au lendemain. A coup sûrs si j’avais été repéré le roi ne tardera pas à savoir où je me trouve. Voilà une chose à laquelle je n’avais pas pensé. D’ordinaire j’aurais été un peu plus consciencieux dans ma méthode de préparation. Mais tout était partit sur un coup de tête et une rage qui avait guidé mes pas. Au diable la rationalité dans ces moments-là !

"Suivez-moi, il faut que je vous sorte de là."

L’homme titubait mais semblait en pleine possessions de ses moyens. Quelque chose dans son attitude me donna confiance. Enfin un peu. Il ne semblait pas vouloir me balancer aux Paliontos et en pareil cas cela ressemblait un peu à un messie. Lui faisant un signe de tête je le suivis. Il connaissait les ruelles comme sa poche apparemment. J’essayais pour ma part de me repérer mais je n’y arrivais pas. Je lui demanderai quand on sera en lieux sur. Et je penserai aussi à la remercier. Il faut que je sache qui est cet homme. Savoir si je peux lui faire confiance. J’ai besoin de quelqu’un en ces lieux pour me guider. Et il semblerait qu’il soit venu de lui-même…

Dans notre course je lui donnai mon nom. Enfin pas le vrai. Celui qui me serait d’usage à présent.

_ Je suis Gabriel. Et toi ? Pourquoi m’aides-tu ?

Les questions brûlaient mes lèvres à présent. Car oui au final pourquoi faisait-il tout ça ? Rabattant un peu plus ma capuche sur mon visage je continuais de le suivre. Mais le voyage m’avait fatigué et je commençais à avoir du mal à le suivre. Jetant un coup d’œil par-dessus mon épaule, je vis qu’on avait réussis à semer la patrouille. Enfin pour le moment. J’entendais leurs cris non loin. Mais je pouvais m’octroyer trente secondes de repos. Il le fallait sinon j’allais tomber ici sur le pavé.

_ Attends l’ami. Juste quelques instants. Je n’arrive pas à te suivre !

Mon sauveur semblait ne pas peiner. Pourtant notre lutte était dans un rythme effréné et ne semblait pas avoir de fin. Je doutais vraiment que l’on s’en sorte. Mais lui semblait tellement sûr de lui. Ses pas semblait le mener à un endroit précis alors que pour moi tous ces dédales restaient inconnus et limite effrayant. Il est difficile de concevoir une fin heureuse quand les cris de la garde retentis derrière soi. Et encore plus quand on en a fait partie… Enfin il m’accorde un peu de répit. Juste un peu mais assez pour que je puisse évaluer la situation. Et il répondit à ma question. Ainsi mes frères Paliontos sont ses ennemis. Il vaut mieux que je taise ma naissance. Et que je m’invente une vie… Du moins jusqu’à ce que je puisse lui faire confiance. S’il savait il me laissera à la merci des chevaliers de Lannistair. Et étrangement je n’ai pas vraiment envie de me retrouver entre leurs mains. Un jour je les affronterai mais pas aujourd’hui. Je ne rêve que de m’allonger et dormir. Aussi de me décrasser et de manger un bout. Mais je n’ai pas le temps de me perdre en rêveries. Déjà il me tire en avant. Garder le rythme… Vendrait le temps des questions. Mais il a raison, il faut que je continu, que je me cache et si cet homme est le moyen de disparaître alors je dois y arriver.

Mais mes jambes refusent de reprendre le rythme. Je peine de plus en plus. Résultat de mes longues semaines de fuite où j’ai très peu mangé et dormis. Je le ressens, je suis au bout. Et si l’homme décide de me laisser là, je ne pourrais rien faire hormis regarder mon destin funeste dans les yeux. Comme s’il avait pu lire dans mon esprit, l’homme vint me soutenir et prit le rythme pour deux. Il avait une grande force, morale et physique. En d’autres circonstances il aurait un très bon chevalier ! Mais je doute qu’il apprécie ce genre de réflexion. Je regarde les ruelles défilées devant mes yeux, me demandant où il m’emmène. Soudain il s’arrête, vérifie si les soldats sont proches de nous puis entre dans cette drôle de bâtisse. Où pouvons-nous bien être ? Je ne pose pas de question, pas encore. Je le laisse me guider. Il semble connaître très bien l’endroit. Qui au passage à l’air abandonné depuis de nombreuses années ! Nous descendons dans ce que je devine être une cave. L’odeur est la même que celle d’un cachot. Mais je sais qu’ici je ne risque pas ma tête. Enfin je l’espère !

L’homme cherche, fouille et moi j’observe les lieux éclairés par la chandelle. Etrange cette cave ne sembla pas être l’endroit le plus « caché » de cette maison. Dans le sol une ouverture et une échelle. Mais où suis-je ? Je me retourne vers l’homme pour lui demander mais je m’arrête dans mon élan. Il semble réfléchir et n’être pas enclin à discuter.

"Je vais aller vous chercher à manger, rester ici, vous serez en sécurité"

Il me laissait seul. Comment pouvais-je être sûr qu’il reviendra ? Et sans les chevaliers de Lannistair ? IL ne m’a même pas donné son nom. C’est bête mais j’ai toujours pensé qu’offrir son nom était une marque de confiance. Le premier pas vers le reste…

_ Attends ! Avant que tu ne partes, laisse-moi te remercier ! Tu viens de me sauver la vie, sans chercher à savoir pourquoi on me poursuit. Donc juste… Merci. Donne-moi juste un nom pour que je puisse te remercier comme il se doit. Je t’ai déjà donné le mien, Gabriel. Je te serais éternellement reconnaissant, vraiment !